Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/127

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hors des besoins réels et qu’elle est créancière de services équivalant à ceux qu’elle a rendus. Ce n’est donc qu’en exportant cet or contre des produits consommables qu’elle est efficacement payée de ses travaux. (V. tome V, p. 64 et suiv.)

En définitive, les nations entre elles, comme les individus entre eux, se rendent des services réciproques. Le numéraire n’est qu’un moyen ingénieux de faciliter ces trocs de services. Entraver directement ou indirectement l’exportation de l’or, c’est traiter le peuple comme on traiterait ce chapelier à qui l’on défendrait de jamais retirer de la société, en dépensant son argent, des services aussi efficaces que ceux qu’il lui a rendus.

Le National nous oppose la crise actuelle de l’Angleterre ; mais le National tombe dans la même erreur que la Presse, en parlant de l’exportation du numéraire, sans tenir compte de la perte des récoltes, sans même la mentionner.

Le jour où les Anglais, après avoir labouré, hersé, ensemencé leurs champs, ont vu leurs blés détruits et leurs pommes de terre pourries, ce jour-là, il a été décidé qu’ils devaient souffrir d’une manière ou d’une autre. La forme sous laquelle cette souffrance devait naturellement se présenter, vu la nature du phénomène, c’était l’inanition. Heureusement pour eux, ils avaient autrefois rendu des services aux peuples contre ces bons, qu’on appelle monnaies, et qui donnent droit à recevoir, en temps opportun, l’équivalent de ces services. Ils en ont profité dans cette circonstance. Ils ont rendu l’or et reçu du blé ; et la souffrance, au lieu de se manifester sous forme d’inanition, s’est manifestée sous forme d’appauvrissement, ce qui est moins dur. Mais cet appauvrissement, ce n’est pas l’exportation du numéraire qui en est cause, c’est la perte des récoltes.

C’est absolument comme le chapelier dont nous parlions tout à l’heure. Il vendait beaucoup de chapeaux, et, se soumettant à des privations, il réussit à accumuler de l’or.