Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il faudrait donc dire qu’en vertu de ses qualités mêmes il court se ranger dans la classe maudite !

La distinction entre classes riches et classes pauvres donne lieu, de nos jours, à tant de déclamations que nous croyons devoir nous expliquer à ce sujet.

Dans l’état actuel de la société, et pour nous en tenir à notre sujet, sous l’empire du régime restrictif, nous croyons qu’il y a une classe privilégiée et une classe opprimée. La loi confère à certaines natures de propriété des monopoles qu’elle ne confère pas au travail, qui est aussi une propriété. On dit bien que le travail profite par ricochet de ces monopoles, et la société qui s’est formée pour les maintenir a été jusqu’à prendre ce titre : Association pour la défense du travail national, titre dont le mensonge éclatera bientôt à tous les yeux.

Une circonstance aggravante de cet ordre de choses, c’est que la propriété privilégiée par la loi est entre les mains de ceux qui font la loi. C’est même une condition, pour être admis à faire la loi, qu’on ait une certaine mesure de propriété de cette espèce. La propriété opprimée au contraire, celle du travail, n’a voix ni délibérative ni consultative. On pourrait conclure de là que le privilége dont nous parlons est tout simplement la loi du plus fort.

Mais il faut être juste ; ce privilége est plutôt le fruit de l’erreur que d’un dessein prémédité. La classe qui vit de salaires ne paraît pas se douter qu’elle en souffre ; elle fait cause commune contre nous avec ses oppresseurs, et il est permis de croire que, fût-elle admise à voter les lois, elle voterait des lois restrictives. Les journaux démocratiques, ceux en qui la classe ouvrière a mis sa confiance, la maintiennent soigneusement, nous ne savons pourquoi, dans cette erreur déplorable. S’ils agissent en aveugles, nous n’avons rien à dire ; s’ils la trompent sciemment, comme il est permis de le soupçonner, puisqu’ils disent que nous avons