Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/156

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Faut-il être surpris de voir la Presse, en cette occasion, confondre les effets de la liberté et du monopole ? L’absence de principes, ou, ce qui revient au même, l’adhésion à plusieurs principes qui s’excluent, semble être le caractère distinctif de cette feuille, et il n’est pas invraisemblable qu’elle lui doit une partie de sa vogue. Dans ce siècle de scepticisme, en effet, rien n’est plus propre à donner un vernis de modération et de sagesse. « Voyez la Presse, dit-on, elle ne s’enchaîne pas à un principe absolu, comme ces hommes qu’elle appelle des songe-creux ; elle plaide le pour et le contre, la liberté et la restriction, selon les temps et l’occurrence. »

Pendant longtemps encore cette tactique aura des chances de succès ; car, au milieu du choc des doctrines, le grand nombre est disposé à croire que la vérité n’existe pas. — Et pourtant elle existe. Il est bien certain qu’en matière de relations internationales, elle se trouve dans cette proposition : Il vaut mieux acheter à autrui ce qu’il en coûte plus cher de faire soi-même. — Ou bien dans celle-ci : Il vaut mieux faire les choses soi-même, encore bien qu’il en coûte moins cher de les acheter à autrui.

Or, la Presse raisonne sans cesse comme si chacune de ces propositions était tour à tour vraie et fausse. L’article auquel je réponds ici offre un exemple remarquable de cette cacophonie.

Après avoir félicité le Zollverein des grands résultats qu’il a obtenus par la restriction, elle le blâme de restreindre l’importation du sucre, et ses paroles méritent d’être citées :

« Ç’a été, de la part de l’Association, une grande faute de laisser prendre un développement si marqué, chez elle, au sucre de betterave… Si elle n’avait pas cédé à la tentation de fabriquer elle-même son sucre, elle aurait pu établir, avec le continent américain et avec une portion de l’Asie,