Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/164

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bon que nous réclamions la liberté d’échanger, sans attendre que tous les habitants de notre planète, depuis le Patagon jusqu’au Hottentot, depuis le Cafre jusqu’au Samoïède, se soient préalablement mis d’accord s’ils s’associeront, c’est-à-dire s’ils régleront l’échange de leurs services, selon l’invention Fourier ou selon la découverte Cabet. De grâce, qu’il nous soit permis d’abord d’échanger selon la forme vulgaire : Donne-moi ceci, et je te donnerai cela ; fais ceci pour moi, et je ferai cela pour toi. Plus tard nous adopterons peut-être ces formes perfectionnées par les socialistes, si perfectionnées qu’eux-mêmes les déclarent au-dessus de l’intelligence de notre pays et de notre siècle.

Que les socialistes ne concluent pas de là que nous repoussons l’association. Qui pourrait avoir une telle pensée ? Quand certaines formes d’association, par exemple les sociétés par actions, se sont produites dans le monde, nous ne les avons pas excommuniées au nom de l’économie politique ; seulement, nous ne pensons pas qu’une forme définitive d’association puisse naître, à un jour donné, dans la tête d’un penseur et s’imposer au genre humain. Nous croyons que l’association, comme tous les principes progressifs de l’humanité, s’élabore, se développe, s’étend successivement avec la diffusion des lumières et le perfectionnement des mœurs.

Il ne suffit pas de dire aux hommes : Organisez-vous ! il faut qu’ils aient toutes les connaissances, toute la moralité que l’organisation volontaire suppose ; et pour qu’une organisation universelle prévale dans l’humanité (si c’est sa destinée d’y arriver), il faut que des formes infinies d’associations partielles soient soumises à l’épreuve de l’expérience, et aient développé l’esprit d’association lui-même. En un mot, vous mettez au point de départ et sous une forme arbitraire la grande inconnue vers laquelle gravite l’humanité.