Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/178

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La France et l’Angleterre manquent de blé. — Il y en a en Russie. — Mais la France et l’Angleterre ayant toujours fermé la porte à ce blé, les Russes ne connaissent pas nos objets manufacturés. Si l’on veut avoir leur blé, il faut leur donner de l’argent, et c’est ce qu’on fait ; car, après tout, l’argent ne saurait être mieux employé qu’à se préserver de l’inanition.

Il en résulte une grande gêne monétaire en France et en Angleterre. D’un autre côté, les Russes ont beaucoup plus de numéraire que ne le comporte l’état de leurs transactions. Il tend à revenir au point d’où il est parti.

Comment ce numéraire est-il parvenu en si peu de temps dans le trésor impérial ? C’est ce que nous n’avons pas à expliquer, et nous croyons même que les cent millions dont il s’agit ne sont pas exactement ceux que nous avons exportés. Cela est de peu d’importance ; que ce soient les mêmes pièces d’or ou d’autres, qu’elles reviennent par le commerce, ou par le trésor public, peu importe. Il s’agit de suivre l’opération jusqu’au bout.

Le ministre des finances de Saint-Pétersbourg, voyant que l’état des marchés, relativement au numéraire, s’est modifié de telle sorte qu’il ne se place plus que très-mal en Russie, tandis qu’il se place très-bien en France et en Angleterre, conçoit le projet, non dans notre intérêt, mais dans le sien, de nous envoyer celui dont il ne sait plus que faire.

Or, quand on envoie de l’argent dans un pays, il n’y a pas d’autre moyen de s’en faire donner la contre-valeur que de recevoir des produits en échange, ou de le placer à intérêt. Acheter ou prêter, voilà les deux seuls moyens de se défaire de l’argent.

Si l’empereur de Russie eût acheté en France et en Angleterre pour cent millions de produits, il serait clair qu’en définitive nous pourrions ne pas tenir compte du mouvement des espèces, et nous serions autorisés à dire que nous