Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/21

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individuelle, dispenser chacun de vigilance, de surveillance, avoir des yeux et des oreilles pour tous. Mais nous reconnaissons que sa mission principale est précisément de prévenir et réprimer la fraude et la violence ; et nous croyons même qu’il la remplirait d’autant mieux, qu’on ne mettrait pas à sa charge d’autres soins qui, au fait, ne le regardent pas. Comment voulez-vous qu’il perfectionne l’art de rechercher et punir les transactions déshonnêtes, quand vous le chargez de la tâche difficile et, nous le croyons, impossible, de pondérer les transactions innocentes, d’équilibrer la production et la consommation[1] ?

Une autre limite à la liberté des échanges, c’est l’impôt. Voilà une distinction, ou si l’on veut une subtilité à laquelle nous ne chercherons pas à échapper.

Il est évident pour tous que la douane peut être appliquée à deux objets fort différents, si différents que presque toujours ils se contrarient l’un l’autre. Napoléon a dit : La douane ne doit pas être un instrument fiscal, mais un moyen de protection. — Renversez la phrase, et vous avez tout notre programme.

Ce qui caractérise le droit protecteur, c’est qu’il a pour mission d’empêcher l’échange entre le produit national et le produit étranger.

Ce qui caractérise le droit fiscal, c’est qu’il n’a d’existence que par cet échange.

Moins le produit étranger entre, plus le droit protecteur atteint son but.

Plus le produit étranger entre, plus le droit fiscal atteint le sien.

Le droit protecteur pèse sur tous et profite à quelques-uns.

  1. V. au tome IV, pages 327 et 342, les pamphlets l’État, la Loi ; et dans les Harmonies, le chap. xvii. (Note de l’éditeur.)