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40. — DEUX MODES D’ÉGALISATION DE TAXES.


4 Avril 1847.


Les partisans du libre-échange se font un argument de ce qui est advenu au sucre de betterave, pour prouver que la crainte de la concurrence est souvent chimérique.

« Tout ce qu’on prédit de la rivalité extérieure pour le fer, le drap, les bestiaux, disent-ils, on le prédisait, pour la betterave, de la rivalité coloniale. Les industries protégées n’invoquent pas un argument que le sucre indigène n’ait invoqué, quand il fut menacé du régime de l’égalité. Mettre aux prises les deux sucres, c’était condamner à mort le plus faible. Qu’est-il arrivé cependant ? Sous l’aiguillon de la nécessité, les fabricants ont fait des efforts d’intelligence, de bonne administration, d’économie. Ils ont retrouvé de ce côté plus qu’ils ne perdaient du côté de la protection ; en un mot, ils prospèrent plus que jamais. L’analogie ne nous dit-elle pas qu’il en sera de même des autres industries ? La voie du progrès leur est-elle fermée ? Nos manufacturiers ne feront-ils aucun effort pour lutter avec leurs rivaux et reconquérir, par leur habileté, plus qu’ils ne doivent au privilége ? »

Ce raisonnement place le libre-échange sur un terrain défavorable. Il ôte à sa démonstration les deux tiers de ses forces, en insinuant qu’un dégrèvement sur les produits étrangers et une aggravation sur le produit national, — c’est la même chose. Il tend à faire penser qu’en dehors des progrès subits et extraordinaires, il n’y a pas de salut pour nos industries protégées, si la concurrence est permise. Il décourage ceux qui n’ont pas une foi complète dans ces progrès, qui, il faut bien le dire, peuvent bien n’être pas aussi rapides dans les autres branches de travail qu’ils l’ont été dans l’industrie saccharine.