Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/236

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si la consommation restait la même : mais elle augmentera ; par suite, le prix tendra à hausser. Il y aura meilleure rémunération pour l’industrie que ce produit concerne.

Ceci montre que lorsque deux industries similaires sont inégalement imposées, il n’est pas indifférent de ramener l’égalité en surtaxant l’une ou en dégrévant l’autre. Dans le premier cas, on diminue ; dans le second, on favorise le débouché de toutes les deux.

Il est bien évident que si l’on eût égalisé les conditions des deux sucres, en dégrévant le sucre colonial, au lieu d’imposer le sucre indigène, celui-ci eût pu soutenir la lutte plus avantageusement encore qu’il ne l’a fait, car la diminution de l’impôt eût abaissé le prix vénal, élargi la consommation, stimulé la demande, et en définitive, élevé pour l’un et l’autre sucre le prix rémunérateur.

Les libre-échangistes qui arguent de ce qui est arrivé au sucre de betterave pour en déduire ce qui arriverait aux autres industries, si on leur retirait la protection, privent donc leur argument de ce qui fait sa force ; car ils assimilent deux procédés d’égalisation dont l’un est toujours avantageux et dont l’autre peut être mortel.

Avec le libre-échange, l’industrie indigène a trois voies ouvertes pour se mettre au niveau de l’industrie étrangère :

1o L’intervention d’une plus grande dose d’habileté stimulée par la concurrence ;

2o L’abaissement du prix des matières premières, des moteurs, de la subsistance, etc. ;

3o L’accroissement de la consommation, de la demande, et son action sur le prix rémunérateur.

Le sucre de betterave n’a eu pour lutter que la première de ces ressources, et elle a suffi. La liberté commerciale les met toutes trois à la disposition de nos industries. Est-il sérieusement à craindre qu’elles succombent ?

On peut déduire de cette observation une théorie écono-