Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/244

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peuples, n’aient pas compris tout d’abord en quoi notre Association diffère de la Ligue anglaise ?

En Angleterre, le système protecteur avait deux points d’appui : l’erreur économique et la puissance féodale. On conçoit sans peine que l’aristocratie, tenant en main le privilége de faire la loi, et avec lui, pour ainsi parler, le monopole des monopoles, les avait établis principalement en sa faveur.

Lors donc que des réformateurs véritables, non plus des Huskisson et des Baring, mais des réformateurs sortis du peuple, se sont levés contre le régime restrictif, ils se sont trouvés en face d’une difficulté dont heureusement notre voie est débarrassée depuis un demi-siècle.

Il s’agissait bien, comme chez nous, de réformer la loi, de détruire le monopole ; mais leurs adversaires avaient seuls le droit, non point seulement le droit actuel, mais le droit exclusif, héréditaire, féodal, de faire la loi, de décréter la chute ou le maintien de leur propre monopole.

Il fallait ou arracher à l’aristocratie la puissance législative, c’est-à-dire faire une révolution, ou la déterminer par la peur à abandonner la part du lion qu’elle s’était faite à elle-même, par l’exploitation légale des tarifs.

La Ligue résolut, dès le premier jour, de rejeter les moyens révolutionnaires. Il ne lui restait donc qu’à instruire le peuple de la vérité économique, à lui faire comprendre l’injustice dont il était victime et à lui en donner un sentiment assez vif et assez pressant pour le porter jusqu’à l’extrême limite de la légalité, et pour ainsi dire jusqu’à ce degré d’irritation au delà duquel il n’y a que convulsions sociales.

Mais, si le poids que les ligueurs avaient à soulever était énorme, si énorme qu’on comprend à peine qu’ils n’en aient pas été effrayés, il faut dire que cette difficulté même mettait en leurs mains un puissant levier. Les mots magiques : li-