Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jet est de vous montrer son importance et sa connexité avec d’autres questions fort graves, afin de vous inspirer le désir de l’étudier.

Une des accusations les plus fréquentes qu’on dirige contre l’Association du libre-échange, c’est de ne pas se borner à réclamer quelques modifications de tarifs que le temps a rendues opportunes, mais de proclamer le principe même du libre-échange. Ce principe, on ne le combat guère, on le respecte, on le salue quand il passe ; mais on le laisse passer. On ne veut à aucun prix ni de lui ni de ceux qui le soutiennent. Ce qui me détermine à choisir ce sujet, ce sont les faits qui viennent de se passer dans une élection récente, et qui peuvent se résumer dans le dialogue suivant entre les électeurs et le candidat :

« Vous êtes un homme honorable ; vos opinions politiques sont les nôtres ; votre caractère nous inspire toute confiance ; votre passé nous garantit votre avenir : mais vous voulez la réforme des tarifs ? — Oui.

— Nous la voulons aussi. Vous la voulez prudente et graduelle ? — Oui.

— Nous l’entendons de même. Mais vous la rattachez à un principe que vous exprimez par le mot libre-échange ?

— Oui.

— En ce cas, vous n’êtes pas notre homme. (Rires.) Nous avons une foule d’autres candidats qui nous promettent à la fois les avantages de la liberté et les douceurs de la restriction. Nous allons choisir un d’entre eux. »

Messieurs, je crois qu’un des grands malheurs, un des grands dangers de notre époque, c’est cette disposition à repousser les principes, qui ne sont après tout que la logique de l’esprit. Par là, on décourage les hommes à conviction ; on les induit à introduire dans leur profession de foi des phrases ambiguës, destinées à satisfaire, au moins à demi, les opinions les plus contradictoires. On n’entre pas