Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/267

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jeunesse, — qu’on nous accoutume à admirer et que l’on propose sans cesse à notre imitation, vivaient de rapine. Ils détestaient, méprisaient le travail. La guerre, le butin, les tributs et l’esclavage devaient alimenter toutes leurs consommations.

Il en était de même des peuples dont ils étaient environnés.

Il est bien évident que, dans cet ordre social, cette maxime : Le profit de l’un est le dommage de l’autre, était de la plus rigoureuse vérité. Il en est nécessairement ainsi entre deux hommes ou deux peuples qui cherchent réciproquement à se spolier.

Or, comme c’est chez les Romains que nous allons chercher toutes nos premières impressions, toutes nos premières idées, nos modèles et les sujets de notre vénération presque religieuse, il n’est pas bien surprenant que cette maxime ait été considérée par nos sociétés industrielles comme la loi des relations internationales[1].

Elle sert de base au système restrictif ; et si elle était vraie, il n’y aurait pas de remède entre l’incurable antagonisme que la Providence se serait plu à mettre entre les nations.

Mais la doctrine du libre-échange démontre rigoureusement, mathématiquement, la vérité de l’axiome opposé, à savoir : Que le dommage de l’un est le dommage de l’autre, et que chaque peuple est intéressé à la prospérité de tous.

Je n’aborderai pas ici cette démonstration qui résulte d’ailleurs du fait seul que la nature de l’échange est opposée à celle de la spoliation. Mais votre sagacité vous fera apercevoir d’un coup d’œil les grandes conséquences de cette doctrine, et le changement radical qu’elle introduirait dans la politique des peuples, si elle venait à obtenir leur universel assentiment.

  1. V. au tome IV, Baccalauréat et Socialisme, p. 442. (Note de l’éditeur.)