Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/277

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teinture, le lin, le coton et la laine qui entrent dans cette pièce d’étoffe. Vous payerez un peu plus cher le blé, le vin, la viande, les vêtements que vous et vos ouvriers aurez consommés et usés pendant l’opération, et de tout cela, il résultera pour vous un prix de revient plus élevé qu’il ne devrait l’être ; mais, en compensation, je vous donnerai un privilége sur les consommateurs du pays, et, quant à ceux du dehors, nous tâcherons de les décider à vous surpayer par les ruses diplomatiques, ou par un grand déploiement de forces qui retomberont encore à la charge de votre prix de revient.

Eh quoi ! Messieurs, ai-je besoin de vous dire toute l’inanité et tout le danger d’un pareil système ? À supposer que la contrebande ne vienne pas vous chasser du marché intérieur, ni les belles phrases, ni les canons, ni la complaisance avec laquelle les ministres vantent leur prudence et leur sagesse ne forceront l’étranger à vous donner 100 fr. de ce qu’il trouve ailleurs à 80.

Jusqu’ici vous n’avez peut-être pas beaucoup souffert de ce système (je me place toujours au point de vue producteur), mais pourquoi ? Parce que les autres nations, excepté la Suisse, s’étaient soumises aux mêmes causes d’infériorité. J’ai dit excepté la Suisse ; et remarquez que c’est aussi la Suisse qui vous fait la plus rude concurrence. Et cependant, qu’est-ce que la Suisse ? Elle ne recueille pas des feuilles de mûriers sur ses glaciers ; elle n’a ni le Rhône ni la Saône ; elle vous offusque néanmoins. Que sera-ce donc de l’Italie qui a commencé la réforme, et de l’Angleterre qui l’a accomplie ?

Car, Messieurs, on vous dit sans cesse que l’Angleterre n’a fait qu’un simulacre de réforme ; et, quant à moi, je ne puis assez m’étonner qu’on puisse, en France, au dix-neuvième siècle, en imposer aussi grossièrement au public sans se discréditer. Sans doute l’Angleterre n’a pas complétement