Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/290

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voir comment le revenu se partage entre le capital et le travail. Mais comme, si les capitalistes sont plus riches, les travailleurs sont plus nombreux, admettons 50 pour les uns, et 50 pour les autres. Survient la restriction. Et d’après notre hypothèse le revenu général descend à 80. — Or, selon les protectionnistes, la part des ouvriers étant augmentée, nous pouvons la supposer de 60, d’où il suit que celle des capitalistes tomberait à 20.

Je défie les protectionnistes de sortir de ce cercle. S’ils conviennent que le régime protecteur entraîne une perte comme résidu général de tous ses effets, et s’ils affirment néanmoins qu’il enrichit les ouvriers, la conséquence nécessaire est que ceux qui n’ont pas fait la loi recueillent un profit, et que ceux qui ont fait la loi encourent deux pertes[1].

Et, s’il en est ainsi, il faudrait regarder comme attaqués de folie les hommes qui, dans l’intérêt des ouvriers, réclament une extension de droits politiques ; car, certes, jamais les ouvriers, dans leur esprit de justice, ne feraient aussi bien leurs affaires, et n’infligeraient aux capitalistes une loi aussi rigoureuse.

Mais voyez à quelle absurde contradiction on arrive. Qui m’expliquera comment il se fait que, le capital se détruisant, le travail se développe, et que, pour comble d’absurdité, la loi qui détruit le capital soit précisément celle qui enrichit le travail ?

Je ne pense pas qu’on puisse contester la rigueur de ces déductions. Seulement, on pourra dire : Elles reposent sur l’assertion que le régime restrictif entraîne une déperdition de forces, et c’est là une concession que les protectionnistes ont faite, il est vrai, mais qu’ils se hâtent de retirer.

Eh ! Messieurs, c’est précisément où je voulais vous ame-

  1. V. ci-après les numéros 57 et 58. (Note de l’éditeur.)