Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’aristocratie anglaise n’a pas manqué de dire aux manufacturiers : Vous attaquez nos monopoles, mais vous avez aussi des monopoles ; et les arguments que vous dirigez contre nos priviléges se tournent contre les vôtres.

Qu’ont fait alors les manufacturiers ? Sur la motion de M. Cobden, la chambre de commerce de Manchester a déclaré qu’avant d’attaquer la protection à l’agriculture, elle renonçait solennellement à toute protection en faveur des manufactures.

En mai 1843, le grand conseil de la Ligue formula ainsi son programme : « Abolition totale, immédiate et sans attendre de réciprocité, de tous droits protecteurs quelconques en faveur de l’agriculture, des manufactures, du commerce et de la navigation[1]. »

Maintenant, nous le demandons, pour suivre la même stratégie, sommes-nous dans la même situation ? Les industriels privilégiés, qu’on nous conseille d’enrôler dans une campagne contre les maîtres de forges, sont-ils préparés, dès la première objection, à faire le sacrifice de leurs propres priviléges ? Les fabricants de drap, les éleveurs de bestiaux, les armateurs eux-mêmes sont-ils prêts à dire : Nous voulons soumettre les maîtres de forges à la liberté ; mais il est bien entendu que nous nous y soumettons nous-mêmes. — Si ce langage leur convient, qu’ils viennent, nos rangs leur sont ouverts[2]. Hors de là comment pourraient-ils être nos auxiliaires ? — En ayant l’air de les ménager, vous les amènerez à se fourvoyer, dit-on. Mais, encore une fois, la ruse ne trompe pas des intérêts aussi bien éveillés sur la question, des intérêts qui étaient éveillés, associés et coalisés avant notre existence.

  1. V. tome III, pages 30 et suiv. (Note de l’éditeur.)
  2. C’est l’exemple qu’ont donné M. Nicolas Kœchlin, M. Bosson de Boulogne, — M. Dufrayer, M. Duchevelard, agriculteurs, ainsi que les armateurs de Bordeaux et de Marseille.