Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/309

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Un homme se promène sur le port de Marseille. À chaque étranger qui débarque, il fait des propositions de ce genre : « Voulez-vous me donner ces bottes ? je vous donnerai ce chapeau ; » ou : « Voulez-vous me donner ces dattes ? je vous donnerai ces olives. » Est-il possible de voir là une atteinte à l’intérêt des tiers, au travail national ? Quoi ! alors que chacun reconnaît à cet homme la propriété de ces olives, alors qu’on lui reconnaît le droit de les détruire par l’usage, alors que chacun sait qu’elles n’ont pas même d’autre destination au monde que d’être détruites par l’usage, comment pourrait-on dire qu’il nuit aux intérêts des tiers si, au lieu de les consommer, il les échange ? Et si le troc, qui est l’élément du commerce, est avantageux, alors qu’il est déterminé par l’influence si clairvoyante de l’intérêt personnel, comment le commerce, qui n’est qu’un vaste appareil au moyen duquel les négociants, le numéraire, les lettres de change, les routes, les voiles et la vapeur facilitent les trocs et les multiplient ; comment le commerce, dis-je, pourrait-il être nuisible ?

Pour vous assurer que les produits s’échangent contre les produits, suivez par la pensée une cargaison de sucre, par exemple. Assurément tous ceux qui ont concouru à la former ont reçu quelque chose en compensation et, d’un autre côté, lorsque, divisée en fractions infinies, elle est arrivée aux derniers acheteurs, aux destinataires, aux consommateurs, ceux-ci ont donné quelque chose en retour. Donc, quoique l’opération ait pu être fort compliquée, il y a eu, de part et d’autre, produits donnés et produits reçus, ou échanges.

J’avoue cependant qu’il est une autre formule qui me semble plus complète, plus féconde, qui ouvre à la science de grands et admirables horizons, qui donne une solution plus exacte de la question du libre-échange, et qui, lavant l’économie politique du reproche de sécheresse, est desti-