Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/356

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conduire qu’à une pratique insensée. Par ce motif, nous les combattons l’une et l’autre, non avec exagération, mais avec zèle et persévérance.

Après tout, qu’est-ce que la modération ?

Nous sommes convaincus que deux et un font trois, et nous nous croyons tenus de le dire nettement. Voudrait-on que nous prissions des détours ? que nous dissions, par exemple : Il se peut que deux et un fassent à peu près trois. Nous en soupçonnons quelque chose, mais nous ne nous hâterons pas de l’affirmer, d’autant que certains personnages ont cru de leur intérêt de faire établir la législation du pays sur cette autre donnée qui semble contredire la nôtre : qui de trois paye un reste quatre.

Nous interdire, par l’imputation d’absolutisme, de prouver la vérité de notre thèse, c’est vouloir que le pays n’ouvre jamais les yeux. Nous ne donnerons pas dans le piége.

Oh ! si l’on nous disait : « Il est bien vrai que la ligne droite est la plus courte. Mais que voulez-vous ? on a cru longtemps que c’était la plus longue. La nation s’est habituée à suivre la ligne courbe. Elle y use son temps et ses forces, mais il ne faut reconquérir que peu à peu, et par gradation, ce temps et ces forces perdus, » on nous trouverait d’une modération fort louable. Car que demandons-nous ? Une seule chose : que le public voie clairement ce qu’il perd à prendre la ligne courbe. Après cela, et si, sachant bien ce que la ligne courbe lui coûte en impôts, privations, vexations, vains efforts, il ne veut la quitter que lentement, ou s’il persiste même à s’y tenir, nous n’y saurions que faire. Notre mission est d’exposer la vérité. Nous ne croyons pas, comme les socialistes, que le peuple soit une masse inerte, et que le moteur soit dans celui qui décrit le phénomène, mais dans celui qui en souffre ou en profite. Peut-on être plus modéré ?

D’autres nous taxent d’exagération par un autre motif.