Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/368

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tique pure, c’est au nom de la mauvaise et très-mauvaise économie politique. Un débouché, c’est-à-dire une vente au dehors, n’a de mérite qu’autant qu’elle couvre tous les frais qu’elle entraîne ; et si, pour la réaliser, il faut avoir recours à l’argent des contribuables, encore que l’industrie que cette vente concerne puisse s’en féliciter, la nation en masse subit une perte quelquefois considérable, sans parler de l’immoralité du procédé et du sang plus qu’inutilement répandu.

C’est bien pis encore quand, pour nous créer de prétendus débouchés, nous envoyons au dehors et l’homme qui doit acheter nos produits, et l’argent avec lequel il doit les payer. Nous ne mettons pas en doute que les fonctionnaires algériens, français ou arabes, à qui on expédie de Paris et aux dépens des contribuables, leurs traitements mensuels, n’en consacrent une faible partie à acheter des cotons et des vins de France. Il paraît que sur 130 millions que nous dépensons en Afrique, 60 millions reçoivent cette destination. L’économie politique pure enseigne que, si les choses devaient persévérer sur ce pied, voici quel serait le résultat :

Nous arrachons un Français à des occupations utiles ; nous lui donnons 130 francs pour vivre. Sur ces 130 francs il nous en rend 60 en échange de produits qui valent exactement cette somme. Total de la perte : 70 francs en argent, 60 francs en produits, et tout ce que le travail de cet homme aurait pu créer en France pendant une année.

Donc, quelque opinion que l’on se fasse de l’utilité de notre conquête en Afrique (question qui n’est pas de notre ressort), il est certain que ce n’est pas par ces débouchés illusoires qu’on peut apprécier cette utilité, mais par la prospérité future de notre colonie[1].

Aussi, un autre général, M. de Trézel, ministre de la

  1. V. au tome V, pag. 370, le chap. l’Algérie du pamphlet : Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. (Note de l’éditeur.)