Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/402

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Il me semble qu’il faudrait être de bien mauvaise foi pour venir argumenter de l’importance relative des deux industries comparées, disant  : Mieux vaut la coutellerie que la ganterie ou la librairie. Il est clair que mon argumentation n’a rien de commun avec cet ordre d’idées. Je cherche l’effet général de la prohibition sur l’ensemble de l’industrie, et non si l’une a plus d’importance que l’autre. Il m’eût suffi de prendre un autre exemple pour montrer que ce qui, dans mon hypothèse, se résout en privation d’un livre est, dans beaucoup de cas, privation de pain, de vêtements, d’instruction, d’indépendance et de dignité.

Dans l’espoir que vous attacherez à la solution de ce problème l’importance vraiment radicale qu’il me semble mériter, permettez-moi d’insister encore sur quelques objections qu’on pourra faire. — On dit : La perte ne sera pas d’un franc, parce que la concurrence intérieure suffira pour faire tomber les couteaux français à 2 fr. 50, peut-être à 2 fr. 25. Je conviens que cela pourra arriver. Alors il faudra changer mes chiffres. Les deux pertes seront moindres, et le gain aussi ; mais il n’y aura pas moins deux pertes pour un gain tant que la protection protégera.

Enfin, on objectera, sans doute, qu’il faut au moins protéger l’industrie nationale en raison des taxes dont elle est grevée. La réponse se déduit de ma démonstration même. Soumettre le peuple à deux pertes pour un gain, c’est un triste moyen d’alléger ses charges. Qu’on suppose les impôts aussi élevés qu’on voudra ; qu’on suppose que le gouvernement nous prend les 99 centièmes de nos revenus, est-ce un remède proposable, je le demande, que de gratifier le coutelier surtaxé d’un franc pris au libraire surtaxé, avec perte par-dessus le marché d’un franc pour le consommateur surtaxé ?

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    damment des pages 80 à 83, les pages 336 et suivantes, contenant le pamphlet Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. (Note de l’éditeur.)