Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/430

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montagnes et des précipices entre les diverses agglomérations d’hommes, afin que chacune pût travailler paisiblement à l’abri de toute rivalité extérieure. Percer ces montagnes, combler ces précipices, c’est faire un mal analogue et même identique à celui qui résulterait de la suppression des douanes. Qui sait même si votre dessein actuel ne fera pas germer quelque jour cette funeste pensée dans la tête de quelque théoricien ! Prenez-y garde, Monseigneur, la logique est impitoyable. Si une fois vous admettez que la facilité des communications est bonne en elle-même, et qu’en tous cas, si elle froisse les hommes à quelques égards, elle leur confère, dans l’ensemble, plus d’avantages que d’inconvénients, si vous admettez cela, c’en est fait du beau système de M. Colbert. Or, nous vous mettons au défi de prouver que vos projets de routes soient fondés sur autre chose que sur cette absurde supposition.

« Monseigneur, nous ne sommes point des théoriciens, des hommes à principes ; nous n’avons pas de prétention au génie. Mais nous parlons le langage du bon sens. Si vous ouvrez notre pays à toutes les rivalités extérieures, si vous facilitez ainsi l’invasion sur nos marchés du blé de la Garonne, du vin de Bordeaux, du lin du Béarn, de la laine des Landes, des bœufs des Pyrénées, nous voyons clair comme le jour comment s’exportera notre numéraire, comment s’éteindra notre travail, comment se tarira la source des salaires, comment se perdra la valeur de nos propriétés. — Et quant aux compensations que vous nous promettez, elles sont, permettez-nous de le dire, fort problématiques ; il faut se creuser la tête pour les apercevoir.

« Nous osons donc espérer que vous laisserez la généralité d’Auch dans l’heureux isolement où elle est ; car, si nous succombons dans cette lutte contre des rêveurs, qui veulent fonder la facilité du commerce, nous prévoyons bien que nos fils auront à soutenir une autre lutte contre d’autres rêveurs qui voudront fonder aussi la liberté du commerce. »


63. — LE MAIRE D’ÉNIOS.


6 Février 1848.


C’était un singulier Maire que le maire d’Énios. D’un caractère… Mais il est bon que le lecteur sache d’abord ce que c’est qu’Énios.

Énios est une commune de Béarn placée…

Pourtant, il semble plus logique d’introduire d’abord monsieur le Maire.