Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/444

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trine. Elle les conduit très-logiquement à avoir deux langages, non-seulement différents, mais opposés, l’un pour le pays, l’autre pour l’étranger, avec cette circonstance bien remarquable que, leurs conseils fussent-ils admis des deux côtés, elles n’en seraient pas plus près de leur but.

En effet, à ne considérer que les transactions de deux peuples, ce qui est exportation pour l’un est importation pour l’autre. Voyez ce beau navire qui sillonne la mer et porte dans ses flancs une riche cargaison. Dites-moi, s’il vous plaît, quel nom il faut donner à ces marchandises. Sont-elles importation ou exportation ? N’est-il pas clair qu’elles sont à la fois l’un et l’autre, selon qu’on a en vue le peuple expéditeur ou le peuple destinataire ? Si donc aucun ne veut être destinataire, aucun ne pourra être expéditeur ; et il est infaillible que, dans l’ensemble, les débouchés se restreignent juste autant que les restrictions se resserrent. C’est ainsi qu’on arrive à cette bizarre politique : ici, pour déterminer la cargaison à sortir, on lui confère une prime aux dépens du public ; là, pour l’empêcher d’entrer, on lui impose une taxe aux dépens du public. Se peut-il concevoir une lutte plus insensée ? Et qui restera vainqueur ? Le peuple le plus disposé à payer la plus grosse prime ou la plus grosse taxe.

Non, la vérité n’est pas dans cet amas de contradictions et d’antagonismes. Tout le système repose sur cette idée, que l’échange est une duperie pour la partie qui reçoit ; et, outre que le mot même échange contredit cette idée, puisqu’il implique qu’on reçoit des deux côtés, quel homme ne sent pas la position ridicule où il se place quand il ne peut tenir à l’étranger que ce langage : Je vous conseille d’être dupe, alors surtout qu’il est dupe lui-même de son propre conseil ?

Voici du reste un petit échantillon de la propagande protectionniste au dehors.