Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/446

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(montrant la France) peuvent échanger à leur aise dans toute la région qui se développe à ma gauche, jusqu’à cette autre ligne idéale qui passe entre Blanc-Misseron et Quiévrain… Mais pas plus loin. Les échanges ainsi faits vous enrichiront. Quant à ceux que vous feriez par-dessus la Bidassoa, ils vous ruineraient avant que vous puissiez vous en apercevoir.

Une autre voix. — Si les échanges qui se font par-dessus la Nivelle, qui est à deux lieues d’ici, sont bons, comment les échanges qui se font par-dessus la Bidassoa peuvent-ils être mauvais ? Les eaux de la Bidassoa dégagent-elles un gaz particulier qui empoisonne les échanges au passage ?

— Vous êtes bien curieux, répondit le professeur ; beau Basque, mon ami, vous devez me croire sur parole.

Cependant notre homme, ayant réfléchi sur la doctrine qu’il venait d’émettre, se dit en lui-même : « Je n’ai fait encore que la moitié des affaires de mon pays. » Ayant donc demandé du silence, il reprit son discours en ces termes :

« Ne croyez pas que je sois un homme à principes et que ce que je viens de vous dire soit un système. Le ciel m’en préserve ! Mon arrangement commercial est si peu théorique, si naturel, si conforme à votre inclination, quoique vous n’en ayez pas la conscience, que l’on vous y soumettra aisément à grands coups de baïonnette. Les utopistes sont ceux qui ont l’audace de dire que les échanges sont bons quand ceux qui les font les trouvent tels : effroyable doctrine, toute moderne, importée d’Angleterre, et à laquelle les hommes se laisseraient aller tout naturellement si la force armée n’y mettait bon ordre.

Mais, pour vous prouver que je ne suis ni exclusif ni absolu, je vous dirai que ma pensée n’est pas de condamner toutes les transactions que vous pourriez être tentés de