Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/449

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vous tenez tant à la mesure que prit en 1822 la Chambre du double vote relativement aux céréales ?

— Eh, morbleu ! la chose est claire, parce qu’elle me fait mieux vendre mon blé.

— Vous pensez donc que, depuis 1822 jusqu’en 1847, le prix du blé a été, en moyenne, plus élevé en France, grâce à cette loi, qu’il ne l’eût été sans elle ?

— Certes oui, je le pense, sans quoi je ne la soutiendrais pas.

— Et si le prix du blé a été plus élevé, il faut qu’il n’y ait pas eu autant de blé en France, sous cette loi que sans cette loi ; car si elle n’eût pas affecté la quantité, elle n’aurait pas affecté le prix.

— Cela va sans dire.

Je tirai alors de ma poche un memorandum où j’écrivis ces paroles :

« De l’aveu du propriétaire, depuis vingt-neuf ans que la loi existe, il y a eu, en définitive, moins de blé en France qu’il n’y en aurait eu sans la loi. »

De là je me rendis chez un éleveur de bœufs.

— Monsieur, seriez-vous assez bon pour me dire par quel motif vous tenez à la restriction qui a été mise à l’entrée des bœufs étrangers par la Chambre du double vote ?

— C’est que, par ce moyen, je vends mes bœufs à un prix plus élevé.

— Mais si le prix des bœufs est plus élevé à cause de cette restriction, c’est un signe certain qu’il y a eu moins de bœufs vendus, tués et mangés dans le pays, depuis vingt-sept ans, qu’il n’y en aurait eu sans la restriction ?

— Belle question ! nous n’avons voté la restriction que pour cela.

J’écrivis sur mon memorandum ces mots :

« De l’aveu de l’éleveur de bœufs, depuis vingt-sept ans