Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/460

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disant : « Que cet atome soit à nous, et notre provision de sucre est assurée. »

Donc, en prévision d’une guerre possible, on fit une guerre réelle qui dura cent ans. Enfin, elle se termina par un traité qui mit les Welches en possession du lopin de terre convoité, lequel prit nom : Saccharique.

Ils s’imposèrent de nouvelles taxes pour payer les frais de la guerre ; puis de nouvelles taxes encore pour organiser une puissante marine afin de conserver le lopin.

Cela fait, il fut question de tirer parti de la précieuse conquête.

Le petit recoin des antipodes était rebelle à la culture. Il avait besoin de protection. Il fut décidé que le commerce de la moitié du globe serait désormais interdit aux Welches, et que pas un d’entre eux ne pourrait sucer une boule de sucre qui ne vînt du lopin en question.

Ayant ainsi tout arrangé, taxes et restrictions, on se frotta les mains, disant : Ceci n’est pas de la théorie.

Cependant quelques Welches, traversant l’Océan, allèrent à Saccharique pour y cultiver la canne. Mais il se trouva qu’ils ne pouvaient supporter le travail sous ce climat énervant. On alla alors dans une autre partie du monde, puis, y ayant enlevé des hommes tout noirs, on les transporta sur l’îlot, et on les contraignit, à grands coups de bâton, à le cultiver.

Malgré cet expédient énergique, le petit îlot ne pouvait fournir le demi-quart du sucre qui était nécessaire à la nation Welche. Le prix s’en éleva, ainsi qu’il arrive toujours quand dix personnes recherchent une chose dont il n’y a que pour une. Les plus riches d’entre les Welches purent seuls se sucrer.

La cherté du sucre eut un autre effet. Elle excita les planteurs de Saccharique à aller enlever un plus grand nombre d’hommes noirs, afin de les assujettir, toujours à