Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/53

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consiste à voir l’utilité des choses au point de vue du producteur national, c’est alors, disons-nous, que ce principe devrait dominer notre législation. — Et c’est précisément alors qu’il la déserte. Pourquoi ? Parce que ce principe est faux, et que le cri de la faim fait bientôt prévaloir la vérité du principe contraire, l’intérêt du consommateur.

Aussi, le blé est la seule chose qui soit soumise au jeu de l’échelle mobile, parce que c’est la seule chose où la vérité des principes ait surmonté les préjugés protectionnistes. La cherté du fer et du drap est certainement de la même nature que la cherté du blé. Elle produit des inconvénients, sinon égaux, au moins du même ordre, et qui ne différent que par le degré. Mais la loi maintient la cherté du fer et du drap envers et contre tous, parce que la population laisse faire, parce qu’elle peut se passer de fer et de drap sans mourir. En fait de blé, elle ne laisse pas faire. Aussi le blé n’est protégé que dans les années d’abondance, c’est-à-dire qu’il n’est pas protégé du tout.

Car si le tarif, en fait de blé, eût été conséquent à son principe et fidèle à l’intérêt producteur, voici comment il eût raisonné (puisqu’il raisonne ainsi en toute autre matière) :

« Je dois assurer à l’agriculteur le prix de revient de son blé. L’année dernière, l’agriculteur a labouré, hersé, ensemencé et sarclé son champ, qui lui a donné 10 hectolitres de blé. Ses avances et sa juste rémunération s’élèvent à 180 fr. — Il a vendu son blé à 18 fr. Il doit être satisfait. — Cette année il a fait les mêmes avances en labours, hersages, semailles, etc. ; — Mais la moisson a trompé son attente, et il n’a que 5 hectolitres de blé. Il faut donc qu’il le vende à 36 fr., sans quoi il perd, et j’ai été décrété précisément pour le garantir de cette perte, pour lui assurer son prix de revient. »

Or, c’est justement cette année-là que le tarif déserte son principe et dit : L’intérêt des estomacs est l’intérêt domi-