Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/65

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Aussi, tandis que l’Angleterre n’avait tiré du dehors que six hectolitres de blé, dans les deux dernières années de la période de bon marché (1821 et 1822), elle en importa 14 millions d’hectolitres, au prix de 350 millions de francs, dans les années 1829, 1830 et 1831.

Singulier effet de l’intervention de la loi ! quand l’agriculteur fait de grands efforts, se livre à une culture dispendieuse, en un mot, quand le blé lui revient fort cher, il le vend à vil prix, parce que ces efforts mêmes inondent le marché. Quand, averti par ces cruelles déceptions, il restreint ses travaux, le prix remonte ; mais ce n’est pas lui seul, c’est l’étranger aussi qui vient en profiter.

De ce que les époques de bon marché ont développé des crises dans l’industrie agricole, il ne faut donc pas se hâter de conclure que les temps de cherté lui ont apporté une compensation suffisante.

Mais ces années de cherté eurent, sur toutes les autres branches du travail, les effets désastreux qui suivent toujours la disette. Si nous ne craignions de dépasser les bornes d’un article de journal, nous pourrions apporter ici des preuves nombreuses à l’appui de cette assertion, tirées de la statistique des banques, des importations et des exportations, de la criminalité, de la mortalité, etc.

Cependant, le prix du blé s’était soutenu, comme on vient de le voir, pendant plusieurs années. Les fermiers crurent que l’échelle mobile, inaugurée en 1828, avait résolu le problème de la fixité des prix. La nouvelle loi leur promettait, d’ailleurs, une rémunération avantageuse. Pleins de confiance, ils se mirent à étendre la culture du froment, en confondant toujours le prix naturel, qui indique la réalité des besoins, avec le prix artificiel, qui est l’œuvre éphémère et décevante de la législation.

Ne doutant pas que ce prix de 66 à 70 sh. était désormais invariable, ils travaillèrent eux-mêmes à encombrer de