Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/77

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nous entouraient que nous avons commencé notre œuvre.

Cependant, nous devons l’avouer, jamais nous n’aurions pu croire que la France offrirait au monde l’étrange et triste spectacle qu’elle présente ;

Que, pendant que l’Angleterre, les États-Unis et Naples affranchissent leur commerce, pendant que la même réforme s’élabore en Espagne, en Allemagne, en Russie, en Italie, la France se contenterait de répéter, sans oser rien entreprendre : « Je marche à la tête de la civilisation ; »

Que des chambres de commerce, comme celles de Metz, de Mulhouse, de Dunkerque, qui demandaient énergiquement la liberté il y a quelques années, s’en montreraient aujourd’hui épouvantées.

Mais il n’est que trop vrai. Par les efforts combinés des protectionnistes et de certains journaux, le pays a été saisi tout à coup d’une crainte immense, inouïe, et, osons trancher le mot, ridicule.

Car, que voyons-nous ? Nous voyons la disette désoler la population, le pain et la viande hors de prix, des hommes, au dire des journaux, tomber d’inanition dans les rues de nos villes. — Et les ministres n’osent pas déclarer que les Français auront, au moins pendant un an, le droit d’acheter du pain au dehors. Ils n’osent pas le déclarer, parce que le pays n’ose pas le demander ; et le pays n’ose pas le demander, parce que cela déplaît aux journaux protectionnistes, socialistes et soi-disant démocratiques. Oui, nous le disons hautement, avant peu on refusera de croire que la France a étalé aux yeux de l’univers une telle pusillanimité : chacun se vantera d’avoir fait exception, et, comme ces vieux soldats qui disent avec orgueil : « J’étais à Wagram et à Waterloo, » on dira : « En 1847, je déployai un grand courage ; j’osai demander le droit de troquer mon travail contre du pain. »

Où en sommes-nous, grand Dieu ! On écrit de Mul-