Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/82

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fin unique de fournir des aliments à la consommation, quelle inconséquence n’est-ce pas que de commencer par restreindre la consommation des aliments, sous prétexte d’en protéger la production ?

En fait d’aliments, l’essentiel est d’en avoir, et non point de les produire par tel ou tel procédé. Que les éleveurs fassent de la viande, mais qu’ils nous laissent la liberté d’en faire à coups de hache, d’aiguille, de plume et de marteau, comme nous faisons l’or, le café et le thé.

Nous voudrions éviter (car il n’est pas de notre intérêt d’irriter les passions), mais nous ne pouvons nous empêcher de dire que la loi, qui restreint le travail et les jouissances de tous au profit de quelques-uns, est une loi oppressive. Elle prend une certaine somme dans la poche de Jean pour la mettre dans la poche de Jacques, avec perte définitive d’une somme égale pour la communauté[1].

Il est de mode aujourd’hui de rire du laissez faire. Nous ne disons pas que les gouvernements doivent tout laisser faire. Bien loin de là, nous les croyons institués précisément pour empêcher de faire certaines choses, et entre autres pour empêcher que Jacques ne prenne dans la poche de Jean. Que dire donc d’une loi qui laisse faire, bien plus, qui oblige de faire la chose même qu’elle a pour mission à peu près exclusive d’empêcher ?

On dit qu’il est utile de restreindre l’entrée de la viande pour favoriser notre agriculture ; que cette restriction accroît chez nous la production du bétail et par conséquent de l’engrais. Quelle dérision !

Voyons, sortez de ce dilemme.

Votre taxe à l’entrée augmente-t-elle le prix de la viande, oui ou non ?

  1. La circonstance indiquée par les mots soulignés fait le fond du débat entre le libre-échange et la restriction. (V. ci-après nos 57 et 58.)