Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/90

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Quand les objets de première nécessité sont à bas prix, chacun dépense pour vivre une moindre partie de ses profits. Il en reste plus pour se vêtir, pour se meubler, pour acheter des livres, des outils, etc. Ces choses sont plus demandées, il en faut faire davantage ; cela ne se peut sans un surcroît de travail, et tout surcroît de travail provoque la hausse des salaires.

Au rebours, quand le pain est cher, un nombre immense de familles est réduit à se priver d’objets manufacturés, et les gens aisés eux-mêmes sont bien forcés de réduire leurs dépenses. Il s’ensuit que les débouchés se ferment, que les ateliers chôment, que les ouvriers sont congédiés, qu’ils se font concurrence entre eux sous la double pression du chômage et de la faim, en un mot il s’ensuit que les salaires baissent.

Et comment pourrait-il en être autrement ? Eh quoi ! les choses seraient tellement arrangées que lorsque la disette, absolue ou relative, naturelle ou artificielle, désole le pays, la classe ouvrière seule ne supporterait pas sa part de souffrance ? Le salaire venant compenser, par son élévation, la cherté des subsistances, maintiendrait cette classe à un niveau nécessaire et immuable !

Après tout, voici une année qui décidera entre le raisonnement des protectionnistes et le nôtre. — Nous saurons si, malgré tous les efforts qu’on a faits pour accroître le fonds des salaires, malgré les emprunts que se sont imposés les villes, les départements et l’État, malgré qu’on ait fait travailler les ouvriers avec des ressources qui n’existent pas encore, malgré qu’on ait engagé l’avenir, nous saurons si le sort des ouvriers a joui de ce privilége d’immutabilité qu’implique l’étrange doctrine de nos adversaires.

Nous demandons que toutes les sources d’informations soient explorées ; qu’on consulte les livres des hôpitaux, des hospices, des prisons, des monts-de-piété ; qu’on dresse la