Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et quel droit ce grand seigneur a-t-il sur moi ? Je ne sache pas lui devoir quelque chose, qu’il existe des comptes entre lui et moi, et qu’il doive avoir un contrôle sur mon industrie. — À ce point de vue, oh ! combien est monstrueuse l’intervention de la loi-céréale sur la liberté civile des sujets de S. M. la reine ! (Acclamations.) Quel est le but du gouvernement ? quel est le but de la société ? L’objet unique du gouvernement est d’empêcher les citoyens de se faire déloyalement du tort les uns aux autres, d’empêcher une classe d’envahir les droits d’une autre classe. Or, je dis que le droit de suivre une branche d’affaires, le commerce, est à ma portée, que c’est une propriété que le gouvernement doit me garantir. Mais qu’a fait le gouvernement ? Il a aidé une classe de la communauté à me dépouiller de ce droit, de cette propriété, à m’interdire l’échange du produit de mon travail ; il s’est départi de sa vraie et seule légitime mission. (Acclamations.) J’espère, monsieur, que l’on me pardonnera d’insister autant sur ce sujet (Continuez, continuez !) ; mais je considère ce point de vue comme le plus important dans la question. Je crois qu’on n’a pas assez considéré le système protecteur au point de vue de la liberté civile. Je soutiens que, comme vous avez aboli l’esclavage dans vos colonies, comme vous avez aboli, dans toute l’étendue des possessions britanniques, la faculté pour l’homme de faire de son frère sa propriété, vous devez, pour être conséquent à ce principe, abolir aussi le monopole. (Acclamations.) Qu’est-ce que l’esclavage ? La prétention, de la part d’une classe d’hommes, au contrôle du travail d’une autre classe et à l’usurpation des produits de ce travail : — mais n’est-ce pas là le monopole ? (Applaudissements prolongés.) En détruisant l’un, vous vous êtes engagé à détruire l’autre. La servitude reconnaît, dans un homme, un droit personnel à s’emparer de l’esprit, du corps et des muscles de son semblable. Le monopole reconnaît aussi le droit inhérent à l’aristocratie de s’emparer de la rémunération industrielle qui appartient et doit être laissée aux classes laborieuses. (Applaudissements longtemps prolongés.) Entre l’esclavage et le monopole, je ne vois de différence que le degré. En principe, c’est une seule et même chose. Car pourquoi le plan-