Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/448

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En 1845, l’opinion publique se prononçait de plus en plus contre les lois-céréales. Elle se manifestait sur tous les points du Royaume-Uni par la fréquentation plus empressée des meetings de la Ligue et le progrès des souscriptions pécuniaires. Pendant que la confiance et le zèle des ligueurs recevaient cet encouragement, l’esprit de conduite et la résolution abandonnaient leurs adversaires. Quant aux hommes politiques, ceux qui possédaient le pouvoir comme ceux qui aspiraient à le posséder, ceux qu’auraient dû retenir des engagements électoraux comme ceux qui n’étaient retenus que par leur penchant pour les moyens termes, sir Robert Peel comme lord John Russell se rapprochaient peu à peu des conclusions de la Ligue. Tout cela devenait manifeste pour les protectionnistes intelligents. Ils voyaient leur cause abandonnée par l’homme même sur l’habileté duquel ils avaient placé leur dernière espérance. De là leur colère et l’amertume de leur langage. — Ce fut dans la séance du 17 mars, à la Chambre des communes, que M. d’Israëli termina un discours plein de sarcasmes contre le premier ministre par cette véhémente apostrophe : « Pour mon compte, si nous devons subir le libre-échange, je préférerais, parce que j’honore le talent, qu’une telle mesure fut proposée par le représentant de Stockport (M. Cobden), au lieu de l’être par une habileté parlementaire qui s’est fait un jeu de la confiance généreuse d’un grand parti et d’un grand peuple. Oui, advienne que pourra ! Dissolvez, si cela vous plaît, le Parlement que vous avez trahi, appelez-en au peuple, qui, je l’espère, ne croit plus en vous ; il me reste au moins cette satisfaction de déclarer publiquement ici, qu’à mes yeux le cabinet conservateur n’est que l’hypocrisie organisée. » — Deux jours après s’engagea une mesquine discussion sur la graisse et le lard, articles dont le gouvernement proposait d’affranchir l’importation de toute taxe. Il se trouva des orateurs qui combattirent la mesure, au nom de l’intérêt agricole, que menacerait, disaient-ils, l’invasion du beurre étranger ; et pour les rassurer,