Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/130

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vingt-quinze planches au lieu d’une, — et vous venez dire que je l’opprime et le vole ! Quoi ! grâce à une scie et à un rabot que j’ai fabriqués à la sueur de mon front, une production centuple est, pour ainsi dire, sortie du néant, la société entre en possession d’une jouissance centuple, un ouvrier qui ne pouvait pas faire une planche en a fait cent ; et parce qu’il me cède librement et volontairement, un vingtième de cet excédant, vous me représentez comme un tyran et un voleur ! L’ouvrier verra fructifier son travail, l’humanité verra s’élargir le cercle de ses jouissances ; et je suis le seul au monde, moi, l’auteur de ces résultats, à qui il sera défendu d’y participer, même du consentement universel !

Non, non ; il ne peut en être ainsi. Votre théorie est aussi contraire à la justice, à l’utilité générale, à l’intérêt même des ouvriers, qu’à la pratique de tous les temps et de tous les lieux. Permettez-moi d’ajouter qu’elle n’est pas moins contraire au rapprochement des classes, à l’union des cœurs, à la réalisation de la fraternité humaine, qui est plus que la justice, mais ne peut se passer de la justice.

Frédéric Bastiat.




TROISIÈME LETTRE.


P. J. PROUDHON À F. BASTIAT.


Désaveu de la distinction introduite par M. Chevé. — Adhésion à la formule : le prêt est un service ; un service est une valeur. — Antinomie. — Le prêteur ne se prive pas. — Nécessité d’organiser le crédit gratuit. — Interrogations catégoriques.


19 novembre 1849.

La révolution de Février a pour but, dans l’ordre politi-