Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/149

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ment pourvu de chapeaux. Il le vend enfin parce qu’il n’est ni dans son intention, ni dans sa puissance de le faire personnellement servir. »

En faveur de votre antithèse, vous alléguez encore la compensation.

« Vous me prêtez, moyennant intérêt, le rabot que vous avez fabriqué pour polir vos planches. Si, de mon côté, je vous prête la scie que j’ai montée pour débiter mes souches, j’aurai droit pareillement à un intérêt… Si, de part et d’autre, les capitaux avancés sont égaux, les intérêts se balançant, le solde sera nul. »

Sans doute ; — et si les capitaux avancés sont inégaux, un solde légitime apparaîtra. C’est précisément ainsi que les choses se passent. Encore ici, ce que vous dites du prêt, on peut le dire de l’échange et même du travail : parce que des travaux échangés se compensent, en concluez-vous que le travail a été anéanti ?

Le socialisme moderne aspire, dites-vous, à réaliser cette prestation mutuelle des capitaux, afin que l’intérêt, partie intégrante du prix de toutes choses, se compense pour tous et, par conséquent, s’annule. — Qu’il se compense, ce n’est pas idéalement impossible, et je ne demande pas mieux. Mais il y faut d’autres façons qu’une Banque d’invention nouvelle. Que le socialisme égalise chez tous les hommes l’activité, l’habileté, la probité, l’économie, la prévoyance, les besoins, les goûts, les vertus, les vices et même les chances, et alors il aura réussi. Mais alors il importera peu que l’intérêt se cote à demi pour cent ou à cinquante pour cent.

Vous nous reprochez de méconnaître la signification du socialisme, parce que nous ne fondons pas de grandes espérances sur ses rêves de crédit gratuit. Vous nous dites : « Vous attribuez au capital le mérite et le progrès opéré dans le domaine de l’industrie et de la richesse, tandis que le