Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/160

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croire qu’elle n’est qu’une fantaisie, une apparence, un préjugé ? Y a-t-il, enfin, ou n’y a-t-il pas une cause à ce changement ? Au-dessus de la vérité qui change, existerait-il, par hasard, une vérité qui ne change point, une vérité absolue, immuable ?

En deux mots, la philosophie ne s’arrête point au fait tel que le lui révèlent l’expérience et l’histoire ; elle cherche à l’expliquer.

Eh bien ! la philosophie a trouvé, ou, si vous aimez mieux, elle a cru voir que cette altération des institutions sociales, ce revirement qu’elles éprouvent après un certain nombre de siècles, provient de ce que les idées dont elles sont l’expression, possèdent en elles-mêmes une sorte de faculté évolutive, un principe de mobilité perpétuelle, provenant de leur essence contradictoire.

C’est ainsi que l’intérêt du capital, légitime alors que le prêt est un service rendu de citoyen à citoyen, mais qui cesse de l’être quand la société a conquis le pouvoir d’organiser le crédit gratuitement pour tout le monde, cet intérêt, dis-je, est contradictoire dans son essence, en ce que, d’une part, le service rendu par le prêteur a droit à une rémunération ; et que, d’un autre côté, tout salaire suppose produit ou privation, ce qui n’a pas lieu dans le prêt. La révolution qui s’opère dans la légitimité du prêt vient de là. Voici comment le socialisme, pose la question ; voilà aussi sur quel terrain les défenseurs de l’ancien régime doivent se placer.

Se renfermer dans la tradition, se borner à dire : Le prêt est un service rendu, donc il doit être payé ; sans vouloir entrer dans les considérations qui tendent à abroger l’intérêt, ce n’est pas répondre. Le socialisme, redoublant d’énergie, proteste et vous dit : Je n’ai que faire de votre service, service pour vous, spoliation pour moi, tandis qu’il est loisible à la société de me faire jouir des mêmes