Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/209

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Mais ici, veuillez le remarquer, il n’est pas question de capital ; il s’agit de travail. C’est du travail qui, en conscience, doit être sacrifié. Est-ce que vous déduirez de là, comme règle normale des transactions humaines, comme loi de l’économie politique, la gratuité du travail ? Et parce que, dans un cas extrême, le service doit être gratuit, renoncerez-vous théoriquement à votre axiome : mutualité des services ?

Et cependant, si de votre second apologue vous concluez qu’on est toujours tenu de prêter pour rien, du premier vous devez conclure qu’on est toujours obligé de travailler gratis.

La vérité est que, pour élucider une question d’économie politique, vous avez imaginé deux cas où toutes les lois de l’économie politique sont suspendues. Qui jamais a songé à nier que, dans certaines circonstances, nous ne soyons tenus de sacrifier capital, intérêt, travail, vie, réputation, affections, santé, etc. ? Mais est-ce là la loi des transactions ordinaires ? Et recourir à de tels exemples pour faire prévaloir la gratuité du crédit, ou la gratuité du travail, n’est-ce pas avouer son impuissance à faire résulter cette gratuité de la marche ordinaire des choses ?

Vous recherchez, Monsieur, quelles sont, pour la classe travailleuse, les conséquences du prêt à intérêt, et vous en énumérez quelques-unes, m’invitant à en faire l’objet ultérieur de ce débat.

Je ne disconviens pas que, parmi vos objections, il n’y en ait de très-spécieuses et même de très-sérieuses. Il est même impossible, dans une lettre, de les relever une à une ; j’essaierai de les réfuter toutes à la fois, par la simple exposition de la loi selon laquelle se répartissent, suivant moi, entre le capital et le travail, les produits de leur coopération ; et c’est par là que je rentrerai dans ma modeste circonférence économique.