Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/292

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Est-ce à dire, Monsieur, qu’il n’y ait rien de vrai, selon moi, dans les idées que vous soutenez ? En m’expliquant à cet égard, je vais faire un mouvement vers vous. Puisse-t-il vous déterminer à en faire un vers moi, ou plutôt vers la vraie solution : la liberté des Banques.

Mais, pour être compris, j’ai besoin, au risque de me répéter, d’établir quelques notions fondamentales sur le crédit.

Le Temps est précieux. Time is money, disent les Anglais. Le temps, c’est l’étoffe dont la vie est faite, dit le Bonhomme Richard.

C’est de cette vérité incontestable que se déduit la notion et la pratique de l’intérêt.

Car faire crédit, c’est accorder du temps.

Sacrifier du temps à autrui, c’est lui sacrifier une chose précieuse, et il n’est pas possible de soutenir qu’en affaires un tel sacrifice doive être gratuit.

A dit à B : Consacrez cette semaine à faire pour moi un chapeau ; je l’emploierai à faire pour vous des souliers. — Souliers et chapeau se valent, répond B, j’accepte.

Un instant après, B s’étant ravisé dit à A : J’ai réfléchi que le temps m’est précieux ; je désire me consacrer à moi-même cette semaine et les suivantes ; ainsi, faites-moi les souliers tout de suite, je vous ferai le chapeau dans un an. — J’y consens, répond A, mais, dans un an, vous me donnerez une semaine et deux heures.

Je le demande à tout homme de bonne foi, A fait-il acte de piraterie en plaçant une nouvelle condition à son profit à côté d’une nouvelle condition à sa charge ?

Ce fait primitif contient en germe toute la théorie du crédit.

Je sais que, dans la société, les transactions ne sont pas aussi simples que celle que je viens de décrire, mais elles sont identiques par leur essence.

Ainsi, il est possible que A vende les souliers à un tiers