Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/307

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sous cette impression pénible qu’a été écrite ma lettre du 31 décembre, dont il vous est facile à présent d’apprécier la signification.

Je me suis dit : Puisque M. Bastiat ne daigne ni honorer de son attention ma réponse, ni comparer les faits qui la motivent, ni faire état du mouvement historique qui met à néant sa théorie ; puisqu’il est incapable d’entrer avec moi en dialogue et d’entendre les raisons de son contradicteur, il faut croire qu’il y a en lui excès de personnalité. C’est un homme, comme l’on dit, qui abonde dans son propre jugement, et qui, à force de n’écouter que soi, s’est séquestré de toute conversation avec ses semblables. Attaquons-le donc dans son jugement, c’est-à-dire dans sa conscience, dans sa personnalité, dans son moi.

Voilà comment, Monsieur, j’ai été conduit à m’en prendre, non plus à vos raisonnements, radicalement nuls dans la question, mais à votre volonté. J’ai accusé votre bonne foi : c’était une expérience, je vous en demande pardon, que je me permettais sur votre individu. Pour donner corps et figure à mon accusation, j’ai concentré toute notre discussion sur un fait contemporain, palpable, décisif, avec lequel j’ai identifié, non-seulement votre théorie, mais vous-même, sur la Banque de France.

La Banque de France, vous ai-je fait observer, est la preuve vivante de ce que je ne cesse de vous répéter depuis six semaines, savoir, que si l’intérêt fut un jour nécessaire et licite, il y a aujourd’hui, pour la société, devoir et possibilité de l’abolir.

Il est prouvé, en effet, par la comparaison du capital de la Banque avec son encaisse, que tout en servant à ses actionnaires l’intérêt dudit capital à 4 pour 100, elle peut faire le crédit et l’escompte à 1 pour 100, et réaliser encore de beaux bénéfices. Elle le peut, elle le doit : en ne le faisant pas, elle vole. Elle est cause, par son refus, que le taux des