Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/388

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Injustice envers les contribuables, exposés à payer une dette qui ne les regarde pas.

Dira-t-on que le gouvernement offre à Jean les mêmes facilités qu’à Jacques ? Mais puisqu’il n’y a qu’une charrue disponible, deux ne peuvent être prêtées. L’argument revient toujours à dire que, grâce à l’intervention de l’État, il se fera plus d’emprunts qu’il ne peut se faire de prêts, car la charrue représente ici la masse des capitaux disponibles.

J’ai réduit, il est vrai, l’opération à son expression la plus simple ; mais, éprouvez à la même pierre de touche les institutions gouvernementales de crédit les plus compliquées, vous vous convaincrez qu’elles ne peuvent avoir que ce résultat : déplacer le crédit, non l’accroître. Dans un pays et dans un temps donné, il n’y a qu’une certaine somme de capitaux en disponibilité et tous se placent. En garantissant des insolvables, l’État peut bien augmenter le nombre des emprunteurs, faire hausser ainsi le taux de l’intérêt (toujours au préjudice du contribuable), mais, ce qu’il ne peut faire, c’est augmenter le nombre des prêteurs et l’importance du total des prêts.

Qu’on ne m’impute point, cependant, une conclusion dont Dieu me préserve. Je dis que la Loi ne doit point favoriser artificiellement les emprunts ; mais je ne dis pas qu’elle doive artificiellement les entraver. S’il se trouve, dans notre régime hypothécaire ou ailleurs, des obstacles à la diffusion et à l’application du crédit, qu’on les fasse disparaître ; rien de mieux, rien de plus juste. Mais c’est là, avec la liberté, tout ce que doivent demander à la Loi des Réformateurs dignes de ce nom[1].

  1. V. la fin de la 12e lettre de Gratuité de crédit, page 282 et suiv. du présent volume. (Note de l’éditeur.)