Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/394

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Thésauriser, c’est dessécher les veines du peuple. »

« Le luxe des grands fait l’aisance des petits. »

« Les prodigues se ruinent, mais ils enrichissent l’État. »

« C’est sur le superflu du riche que germe le pain du pauvre. »

Voilà, certes, entre l’idée morale et l’idée sociale, une flagrante contradiction. Que d’esprits éminents, après avoir constaté le conflit, reposent en paix ! C’est ce que je n’ai jamais pu comprendre ; car il me semble qu’on ne peut rien éprouver de plus douloureux que d’apercevoir deux tendances opposées dans l’humanité. Quoi ! elle arrive à la dégradation par l’une comme par l’autre extrémité ! économe, elle tombe dans la misère ; prodigue, elle s’abîme dans la déchéance morale !

Heureusement que les maximes vulgaires montrent sous un faux jour l’Épargne et le Luxe, ne tenant compte que de ces conséquences immédiates qu’on voit, et non des effets ultérieurs qu’on ne voit pas. Essayons de rectifier cette vue incomplète.

Mondor et son frère Ariste, ayant partagé l’héritage paternel, ont chacun cinquante mille francs de rente. Mondor pratique la philanthropie à la mode. C’est ce qu’on nomme un bourreau d’argent. Il renouvelle son mobilier plusieurs fois par an, change ses équipages tous les mois ; on cite les ingénieux procédés auxquels il a recours pour en avoir plus tôt fini : bref, il fait pâlir les viveurs de Balzac et d’Alexandre Dumas.

Aussi, il faut entendre le concert d’éloges qui toujours l’environne ! « Parlez-nous de Mondor ! vive Mondor ! C’est le bienfaiteur de l’ouvrier ; c’est la providence du peuple. À la vérité, il se vautre dans l’orgie, il éclabousse les passants ; sa dignité et la dignité humaine en souffrent quelque peu… Mais, bah ! s’il ne se rend pas utile par lui-même, il se rend utile par sa fortune. Il fait circuler l’argent ; sa cour