Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’un gagne, l’autre le perd. Le profit de l’un est le dommage de l’autre ; » lesquelles impliquent un antagonisme irrémédiable entre tous les hommes.

— Il n’est que trop certain. Philosophe ou législateur, soit que je raisonne ou que j’agisse, partant de ce principe : l’argent, c’est la richesse, — j’arrive toujours à cette conclusion ou à ce résultat : la guerre universelle. Avant de le discuter, vous avez bien fait de m’en signaler les conséquences ; sans cela, je n’aurais jamais eu le courage de vous suivre jusqu’au bout dans votre dissertation économique ; car, à vous parler net, cela n’est pas divertissant.

— À qui le dites-vous ? C’est à quoi je pensais quand vous m’entendiez murmurer : Maudit argent ! Je gémissais de ce que mes compatriotes n’ont pas le courage d’étudier ce qu’il leur importe tant de savoir.

— Et pourtant, les conséquences sont effrayantes.

— Les conséquences ! Je ne vous en ai signalé qu’une. J’aurais pu vous en montrer de plus funestes encore.

— Vous me faites dresser les cheveux sur la tête ! Quels autres maux a pu infliger à l’humanité cette confusion entre l’Argent et la Richesse ?

— Il me faudra longtemps pour les énumérer. C’est une doctrine qui a une nombreuse lignée. Son fils aîné, nous venons de faire sa connaissance, s’appelle régime prohibitif ; le cadet, système colonial ; le troisième, haine au capital ; le Benjamin, papier-monnaie.

— Quoi ! le papier-monnaie procède de la même erreur ?

— Directement. Quand les législateurs, après avoir ruiné les hommes par la guerre et l’impôt, persévèrent dans leur idée, ils se disent : « Si le peuple souffre, c’est qu’il n’a pas assez d’argent. Il en faut faire. » Et comme il n’est pas aisé de multiplier les métaux précieux, surtout quand on a épuisé les prétendues ressources de la prohibition, « nous ferons du numéraire fictif, ajoutent-ils, rien n’est plus