Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/243

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les moyens d’en fabriquer d’autres et d’accumuler des provisions avec plus de promptitude.

Instruments, matériaux, provisions, voilà sans doute ce que Robinson appellera son capital ; et il reconnaîtra aisément que plus ce capital sera considérable, plus il asservira de forces naturelles, plus il les fera concourir à ses travaux, plus enfin il augmentera le rapport de ses satisfactions à ses efforts.

Plaçons-nous maintenant au sein de l’ordre social. Le Capital se composera aussi des instruments de travail, des matériaux et des provisions sans lesquels, ni dans l’isolement ni dans la société, il ne se peut rien entreprendre de longue haleine. Ceux qui se trouveront pourvus de ce capital ne l’auront que parce qu’ils l’auront créé par leurs efforts ou par leurs privations, et ils n’auront fait ces efforts (étrangers aux besoins actuels), ils ne se seront imposé ces privations qu’en vue d’avantages ultérieurs, en vue, par exemple, de faire concourir désormais une grande proportion de forces naturelles. De leur part, céder ce capital, ce sera se priver de l’avantage cherché, ce sera céder cet avantage à d’autres, ce sera rendre service. Dès lors, ou il faut renoncer aux plus simples éléments de la justice, il faut même renoncer à raisonner, ou il faut reconnaître qu’ils auront parfaitement le droit de ne faire cette cession qu’en échange d’un service librement débattu, volontairement consenti. Je ne crois pas qu’il se rencontre un seul homme sur la terre qui conteste l’équité de la mutualité des services, car mutualité des services signifie, en d’autres termes, équité. Dira-t-on que la transaction ne devra pas se faire librement, parce que celui qui a des capitaux est en mesure de faire la loi à celui qui n’en a pas ? Mais comment devra-t-elle se faire ? À quoi reconnaître l’équivalence des services, si ce n’est quand de part et d’autre l’échange est volontairement accepté ? Ne voit-on pas d’ailleurs que l’emprunteur, libre