Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/265

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d’un œil de défiance et d’envie. Fermez l’oreille à ces déclamations absurdes, dont rien n’égale l’orgueil si ce n’est l’ignorance, qui, sous promesse d’une philanthropie en perspective, commencent par soulever la discorde actuelle. Reconnaissez que vos intérêts sont communs, identiques, quoi qu’on en dise, qu’ils se confondent, qu’ils tendent ensemble vers la réalisation du bien général, que les sueurs de la génération présente se mêlent aux sueurs des générations passées, qu’il faut bien qu’une part de rémunération revienne à tous ceux qui concourent à l’œuvre, et que la plus ingénieuse comme la plus équitable répartition s’opère entre vous, par la sagesse des lois providentielles, sous l’empire de transactions libres et volontaires, sans qu’un Sentimentalisme parasite vienne vous imposer ses décrets aux dépens de votre bien-être, de votre liberté, de votre sécurité et de votre dignité.

Le Capital a sa racine dans trois attributs de l’homme : la Prévoyance, l’Intelligence et la Frugalité. Pour se déterminer à former un capital, il faut en effet prévoir l’avenir, lui sacrifier le présent, exercer un noble empire sur soi-même et sur ses appétits, résister non-seulement à l’appât des jouissances actuelles, mais encore aux aiguillons de la vanité et aux caprices de l’opinion publique, toujours si partiale envers les caractères insouciants et prodigues. Il faut encore lier les effets aux causes, savoir par quels procédés, par quels instruments la nature se laissera dompter et assujettir à l’œuvre de la production. Il faut surtout être animé de l’esprit de famille, et ne pas reculer devant des sacrifices dont le fruit sera recueilli par les êtres chéris qu’on laissera après soi. Capitaliser, c’est préparer le vivre, le couvert, l’abri, le loisir, l’instruction, l’indépendance, la dignité aux générations futures. Rien de tout cela ne se peut faire sans mettre en exercice les vertus les plus sociales, qui plus est, sans les convertir en habitudes.