Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/272

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pour les réformes et les réformateurs. Ce n’est pas à dire que l’humanité ne doive appeler de ses vœux, encourager de sa reconnaissance les hommes d’investigation, de science et de dévouement, les cœurs fidèles à la démocratie. Ils ne lui sont encore que trop nécessaires, non point pour renverser les lois sociales, mais, au contraire, pour combattre les obstacles artificiels qui en troublent et pervertissent l’action. En vérité, il est difficile de comprendre comment on répète sans cesse ces banalités : « L’économie politique est optimiste quant aux faits accomplis ; elle affirme que ce qui doit être est ; à l’aspect du mal comme à l’aspect du bien, elle se contente de dire : laissez faire. » Quoi ! nous ignorerions que le point de départ de l’humanité est la misère, l’ignorance, le règne de la force brutale, ou nous serions optimistes à l’égard de ces faits accomplis ! Quoi ! nous ignorerions que le moteur des êtres humains est l’aversion de toute douleur, de toute fatigue, et que, le travail étant une fatigue, la première manifestation de l’intérêt personnel parmi les hommes a été de s’en rejeter les uns aux autres le pénible fardeau ! Les mots Anthropophagie, Guerre, Esclavage, Privilége, Monopole, Fraude, Spoliation, Imposture, ne seraient jamais parvenus à notre oreille, ou nous verrions dans ces abominations des rouages nécessaires à l’œuvre du progrès ! Mais n’est-ce pas un peu volontairement que l’on confond ainsi toutes choses pour nous accuser de les confondre ? Quand nous admirons la loi providentielle des transactions, quand nous disons que les intérêts concordent, quand nous en concluons que leur gravitation naturelle tend à réaliser l’égalité relative et le progrès général, apparemment c’est de l’action de ces lois et non de leur perturbation que nous attendons l’harmonie. Quand nous disons : laissez faire, apparemment nous entendons dire : laissez agir ces lois, et non pas : laissez troubler ces lois. Selon qu’on s’y conforme ou qu’on les viole, le bien ou le mal se produi-