Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/321

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l’appréciation des faits), une génération humaine se livre pour la première fois à l’industrie, pour la première fois elle cultive, fabrique, etc. — Chaque génération, par son travail, par son intelligence, par l’emploi de son activité propre, crée des produits, développe des valeurs qui n’existaient pas sur la terre brute. N’est-il pas parfaitement évident que la Propriété sera conforme au Droit dans cette première génération industrieuse, SI la valeur ou la richesse produite par l’activité de tous est répartie entre les producteurs en proportion du concours de chacun à la création de la richesse générale ? Cela n’est pas contestable.

Or, les résultats du travail de cette génération se divisent en deux catégories qu’il importe de bien distinguer.


La première catégorie comprend les produits du sol, qui appartenait à cette première génération en sa qualité d’usufruitière, augmentés, raffinés ou fabriqués par son travail, par son industrie. Ces produits, bruts ou fabriqués, consistent, soit en objets de consommation, soit en instruments de travail. Il est clair que ces produits appartiennent en toute et légitime propriété à ceux qui les ont créés par leur activité. Chacun de ceux-ci a donc Droit, soit à consommer immédiatement ces produits, soit à les mettre en réserve pour en disposer plus tard à sa convenance, soit à les employer, les échanger, ou les donner et les transmettre à qui bon lui semble, sans avoir besoin pour cela de l’autorisation de qui que ce soit. Dans cette hypothèse, cette Propriété est évidemment Légitime, respectable, sacrée. On ne peut y porter atteinte sans attenter à la Justice, au Droit et à la Liberté individuelle, enfin sans exercer une spoliation.


Deuxième catégorie. Mais les créations dues à l’activité industrieuse de cette première génération ne sont pas toutes contenues dans la catégorie précédente. Non seulement cette génération a créé les produits que nous venons de désigner (objets de consommation et instruments de travail), mais encore elle a ajouté une Plus-value à la valeur primitive du sol par la culture, par les constructions, par tous les travaux de fonds et immobiliers qu’elle a exécutés.

Cette Plus-value constitue évidemment un produit, une valeur due à l’activité de la première génération. Or, si, par un moyen quelconque (ne nous occupons pas ici de la question des moyens), si, par un moyen quelconque, la propriété de cette Plus-value est équitablement, c’est-à dire proportionnellement au concours de chacun dans la création distribuée aux divers membres de la société, chacun de ceux-ci possédera Légitimement la part qui lui sera revenue. Il pourra donc disposer de cette Propriété-individuelle légitime comme il l’entendra, l’échanger, la donner, la transmettre sans qu’aucun des autres individus, c’est-à-dire la Société, puisse jamais avoir, sur ces valeurs, un droit et une autorité quelconques.

Nous pouvons donc parfaitement concevoir que, quand la seconde génération arrivera, elle trouvera sur la terre deux sortes de capitaux :