Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/385

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la question que nous aurions à nous poser serait celle-ci : abstraction faite des bonnes ou mauvaises institutions économiques, abstraction faite des maux que les prolétaires peuvent encourir par leur faute — quel est, à leur égard, l’effet de la Concurrence ?

Pour cette classe comme pour toutes, l’action de la Concurrence est double. Ils la sentent comme acheteurs et comme vendeurs de services. Le tort de tous ceux qui écrivent sur ces matières est de ne jamais voir qu’un côté de la question, comme des physiciens qui, ne connaissant que la force centrifuge, croient et prophétisent sans cesse que tout est perdu. Passez-leur la fausse donnée, et vous verrez avec quelle irréprochable logique ils vous mèneront à leur sinistre conclusion. Il en est ainsi des lamentations que les socialistes fondent sur l’observation exclusive de la Concurrence centrifuge, si je puis parler ainsi ; ils oublient de tenir compte de la Concurrence centripète, et cela suffit pour réduire leurs doctrines à une puérile déclamation. Ils oublient que le travailleur, quand il se présente sur le marché avec le salaire qu’il a gagné, est un centre où aboutissent des industries innombrables, et qu’il profite alors de la Concurrence universelle dont elles se plaignent toutes tour à tour.

Il est vrai que le prolétaire, quand il se considère comme producteur, comme offreur de travail ou de services, se plaint aussi de la concurrence. Admettons donc qu’elle lui profite d’une part, et qu’elle le gêne de l’autre ; il s’agit de savoir si la balance lui est favorable, ou défavorable, ou s’il y a compensation.

Je me serais bien mal expliqué si le lecteur ne comprenait pas que, dans ce mécanisme merveilleux, le jeu des concurrences, en apparence antagoniques, aboutit à ce résultat singulier et consolant qu’il y a balance favorable pour tout le monde à la fois, à cause de l’Utilité gratuite