Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/402

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tion peut s’exprimer d’avance en ces termes : Approximation constante de tous les hommes vers un niveau qui s’élève toujours, — en d’autres termes : Perfectionnement et égalisation, — en un seul mot : Harmonie.

Tel est le résultat définitif des arrangements providentiels, des grandes lois de la nature, alors qu’elles règnent sans obstacles, quand on les considère en elles-mêmes et abstraction faite du trouble que font subir à leur action l’erreur et la violence. À la vue de cette Harmonie, l’économiste peut bien s’écrier, comme fait l’astronome au spectacle des mouvements planétaires, ou le physiologiste en contemplant l’ordonnance des organes humains : Digitus Dei est hic !

Mais l’homme est une puissance libre, par conséquent faillible. Il est sujet à l’ignorance, à la passion. Sa volonté, qui peut errer, entre comme élément dans le jeu des lois économiques ; il peut les méconnaître, les oblitérer, les détourner de leur fin. De même que le physiologiste, après avoir admiré la sagesse infinie dans chacun de nos organes et de nos viscères, ainsi que dans leurs rapports, les étudie aussi à l’état anormal, maladif et douloureux, nous aurons à pénétrer dans un monde nouveau, le monde des perturbations sociales.

Nous nous préparerons à cette nouvelle étude par quelques considérations sur l’homme lui-même. Il nous serait impossible de nous rendre compte du mal social, de son origine, de ses effets, de sa mission, des bornes toujours plus étroites dans lesquelles il se resserre par sa propre action (ce qui constitue ce que j’oserais presque appeler une dissonance harmonique), si nous ne portions notre examen sur les conséquences nécessaires du Libre Arbitre, sur les égarements toujours châtiés de l’Intérêt personnel, sur les grandes lois de la Responsabilité et de la Solidarité humaines.