Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/434

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goïsme, n’est-ce pas plus qu’un mal dans la Société, n’est-ce pas la source de tous les maux ?

Entendons-nous, s’il vous plaît.

Si l’axiome chacun pour soi est entendu dans ce sens qu’il doit diriger toutes nos pensées, tous nos actes, toutes nos relations, qu’on doit le trouver au fond de toutes nos affections de père, de fils, de frère, d’époux, d’ami, de citoyen, ou plutôt qu’il doit étouffer toutes ces affections ; il est affreux, il est horrible, et je ne crois pas qu’il y ait sur la terre un seul homme, en fît-il la règle de sa propre conduite, qui ose le proclamer en théorie.

Mais les Socialistes se refuseront-ils toujours à reconnaître, malgré l’autorité des faits universels, qu’il y a deux ordres de relations humaines : les unes dépendant du principe sympathique, — et que nous laissons au domaine de la morale ; les autres naissant de l’intérêt personnel, accomplies entre gens qui ne se connaissent pas, qui ne se doivent rien que la justice, — réglées par des conventions volontaires et librement débattues ? Ce sont précisément les conventions de cette dernière espèce, qui forment le domaine de l’économie politique. Or il n’est pas plus possible de fonder ces transactions sur le principe sympathique qu’il ne serait raisonnable de fonder les rapports de famille et d’amitié sur le principe de l’intérêt. Je dirais éternellement aux socialistes : Vous voulez confondre deux choses qui ne peuvent pas être confondues. Si vous êtes assez fous, vous ne serez pas assez forts. — Ce forgeron, ce charpentier, ce laboureur, qui s’épuisent à de rudes travaux, peuvent être d’excellents pères, des fils admirables, ils peuvent avoir le sens moral très-développé, et porter dans leur poitrine le cœur le plus expansif ; malgré cela, vous ne les déterminerez jamais à travailler du matin au soir, à répandre leurs sueurs, à s’imposer de dures privations sur le principe du dévouement. Vos prédications