Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/519

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rait privation et souffrance, deux choses qui tendent à réduire le nombre. En ce cas, certes, il serait vrai de dire qu’une cause extérieure limite non pas la puissance de fécondité, mais le résultat de la fécondité. Il y aurait certainement antagonisme entre la tendance physiologique et la force limitante d’où résulte la permanence du chiffre. La preuve, c’est que, si l’on augmentait graduellement la ration jusqu’à la doubler, on verrait très-promptement deux mille souris dans la cage.

Veut-on savoir ce qu’on répond à Malthus ? On lui oppose le fait. On lui dit : La preuve que la puissance de reproduction n’est pas indéfinie dans l’homme, c’est qu’en certains pays la population est stationnaire. Si la loi de progression était vraie, si la population doublait tous les vingt-cinq ans, la France, qui avait 30 millions d’habitants en 1820, en aurait aujourd’hui plus de 60 millions.

Est-ce là de la logique ?

Quoi ! je commence par constater moi-même que la population, en France, ne s’est accrue que d’un cinquième en vingt-cinq ans, tandis qu’elle a doublé ailleurs. J’en cherche la cause. Je la trouve dans le défaut d’espace et d’aliment. Je vois que, dans les conditions de culture, de population et de mœurs où nous sommes aujourd’hui, il y a difficulté de créer assez rapidement des subsistances pour que des générations virtuelles naissent, ou que, nées, elles subsistent. Je dis que les moyens d’existence ne peuvent pas doubler — ou au moins ne doublent pas — en France tous les vingt-cinq ans. C’est précisément l’ensemble de ces forces négatives qui contient, selon moi, la puissance physiologique ; — et vous m’opposez la lenteur de la multiplication pour en conclure que la puissance physiologique n’existe pas ! Une telle manière de discuter n’est pas sérieuse.

Est-ce avec plus de raison qu’on a contesté la progres-