Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/543

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ger des idées saines, et surtout les habitudes empreintes d’une certaine dignité, c’est là le plus grand bien, le bien permanent que l’on peut conférer aux classes inférieures.

Les moyens d’existence, nous ne saurions trop le répéter, ne sont pas une quantité fixe ; ils dépendent des mœurs, de l’opinion, des habitudes. À tous les degrés de l’échelle sociale, on éprouve la même répugnance à descendre du milieu dont on a l’habitude qu’on en peut ressentir au degré le plus inférieur. Peut-être même la souffrance est-elle plus grande chez l’aristocrate dont les nobles rejetons se perdent dans la bourgeoisie, que chez le bourgeois dont les fils se font manœuvres, ou chez les manœuvres dont les errants sont réduits à la mendicité. L’habitude d’un certain bien-être, d’une certaine dignité dans la vie, est donc le plus fort des stimulants pour mettre en œuvre la prévoyance ; et si la classe ouvrière s’élève une fois à certaines jouissances, elle n’en voudra pas descendre, dût-elle, pour s’y maintenir et conserver un salaire en harmonie avec ses nouvelles habitudes, employer l’infaillible moyen de la limitation préventive.

C’est pourquoi je considère comme une des plus belles manifestations de la philanthropie la résolution, qui paraît avoir été prise en Angleterre par beaucoup de propriétaires et de manufacturiers, d’abattre les cottages de boue et de chaume, pour y substituer des maisons de briques, propres, spacieuses, bien éclairées, bien aérées, et convenablement meublées. Si cette mesure était générale, elle élèverait le ton de la classe ouvrière, convertirait en besoins réels ce qui aujourd’hui est un luxe relatif, elle exhausserait cette limite qu’on nomme moyens d’existence, et, par suite, l’étalon de la rémunération à son degré inférieur. — Pourquoi pas ? La dernière classe dans les pays civilisés est bien au-dessus de la dernière classe des peuples sau-