Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/558

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Si l’intervention de l’État nous enlève le gouvernement de nous-mêmes, relativement aux services que nous en recevons, il nous l’ôte bien plus encore quant aux services que nous lui rendons en retour. Cette contre-partie, ce complément de l’échange est encore soustrait à la liberté, pour être uniformément réglementé par une loi décrétée d’avance, exécutée par la force, et à laquelle nul ne peut se soustraire. En un mot, comme les services que l’État nous rend nous sont imposés, ceux qu’il nous demande en payement nous sont imposés aussi, et prennent même dans toutes les langues le nom d’impôts.

Ici se présentent en foule les difficultés et les inconvénients théoriques ; car pratiquement l’État surmonte tous les obstacles, au moyen d’une force armée qui est le corollaire obligé de toute loi. Pour nous en tenir à la théorie, la transformation d’un service privé en service public fait naître ces graves questions :

L’État demandera-t-il en toutes circonstances à chaque citoyen un impôt équivalent aux services rendus ? Ce serait justice, et c’est précisément cette équivalence qui se dégage avec une sorte d’infaillibilité des transactions libres, du prix débattu qui les précède. Il ne valait donc pas la peine de faire sortir une classe de services du domaine de l’activité privée, si l’État aspirait à réaliser cette équivalence, qui est la justice rigoureuse. Mais il n’y songe même pas et ne peut y songer. On ne marchande pas avec les fonctionnaires. La loi procède d’une manière générale, et ne peut stipuler des conditions diverses pour chaque cas particulier. Tout au plus, et quand elle est conçue en esprit de justice, elle cherche une sorte d’équivalence moyenne, d’équivalence approximative entre les deux natures de services échangés. Deux principes, la proportionnalité et la progression de l’impôt, ont paru, à des titres divers, porter aux dernières limites cette approximation. Mais la plus