Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/598

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Indiquez-moi donc un point du globe où deux races, une de vainqueurs et une de vaincus, ne soient pas superposées l’une à l’autre. Montrez-moi en Europe, en Asie, dans les îles du grand Océan, un lieu fortuné encore occupé par la race primitive. Si les migrations de peuples n’ont épargné aucun pays, la guerre a été un fait général.

Les traces n’en sont pas moins générales. Indépendamment du sang versé, du butin conquis, des idées faussées, des facultés perverties, elle a laissé partout des stigmates, au nombre desquels il faut compter l’esclavage et l’aristocratie…

L’homme ne s’est pas contenté de spolier la richesse à mesure qu’elle se formait ; il s’est emparé des richesses antérieures, du capital sous toutes les formes ; il a particulièrement jeté les yeux sur le capital, sous la forme la plus immobile, la propriété foncière. Enfin, il s’est emparé de l’homme même. — Car les facultés humaines étant des instruments de travail, il a été trouvé plus court de s’emparer de ces facultés que de leurs produits…

Combien ces grands événements n’ont-ils pas agi comme causes perturbatrices, comme entraves sur le progrès naturel des destinées humaines ! Si l’on tient compte de la déperdition de travail occasionnée par la guerre, si l’on tient compte de ce que le produit effectif, qu’elle amoindrit, se concentre entre les mains de quelques vainqueurs, on pourra comprendre le dénûment des masses, dénûment inexplicable de nos jours par la liberté…

Comment l’esprit guerrier se propage.

Les peuples agresseurs sont sujets à des représailles. Ils attaquent souvent ; quelquefois ils se défendent. Quand ils sont sur la défensive, ils ont le sentiment de la justice et de la sainteté de leur cause. Alors ils peuvent exalter le courage, le dévouement, le patriotisme. Mais, hélas ! ils transportent ces sentiments et ces idées dans leurs guerres offen-